Apéro Thématique :Mouvements citoyens et réappropriation des espaces

Lundi 20 avril dernier, à la mairie du 2ème arrondissement, SOL organisait son 22ème Apéro Thématique. Pour étudier les mouvements citoyens et dans quelle mesure ils constituent une réappropriation des espaces publics, SOL a invité deux militants pur-jus : Louise Moulin, du Collectif Citoyen Les Engraineurs, collectif informel tourné vers l’écologie sociale qui organise des manifestations aux formats nouveaux ; et Nathan Dubois, coordinateurs des Incroyables Comestibles Paris, initiative citoyenne de partage en lien avec le jardinage participatif. 

Se réapproprier l’espace public, ça se passe aussi sur votre balcon ! 

Les mouvements citoyens, dans tous les domaines concernés, sont initiés en réponse à une frustration liée à l’injustice vécue par le plus grand nombre aux profits d’une minorité privilégiée. En investissant les espaces publics, les citoyens expriment leurs revendications et participent d’une dynamique globale visant à initier le changement. Mais par quel biais se fait cette réappropriation de l’espace public ? De quel espace public parle-t-on, d’ailleurs ?

SOL a cherché à répondre à cette vaste question à travers le prisme particulier de deux mouvements citoyens qui pensent l’espace public et la place du citoyen dans cet espace de manière similaire, mais ont une manière bien différente de l’investir.

A la question de savoir comment agir pour les Incroyables Comestibles, la réponse de Nathan Dubois donne une définition de l’espace public qui va bien au-delà de la rue pour s’approcher de la notion de partage : planter chez soi, sur son balcon, c’est déjà être un Incroyable Comestible et participer au mouvement citoyen. En effet, bien que l’action de planter se déroule dans un espace privé, celle du partage des graines et des récoltes, elle, est bel et bien publique.

Dans le même ordre d’idée, Louise Moulin du Collectif Citoyen Les Engraineurs insiste sur le fait que celui qui tient le porte-voix lors d’une manifestation publique dans la rue n’est pas plus militant que celui qui a donné de son temps, depuis chez lui, pour imprimer les tracts.

L’engagement citoyen ne connait finalement pas de frontière public/privé ; l’engagement citoyen est, de fait, sous toutes ses formes, une réappropriation des espaces publics.

Des outils variés pour un objectif similaire : l’information et la sensibilisation

Nathan Dubois a rappelé à quel point les Incroyables Comestibles Paris se démarquent des Incroyables ailleurs en France. Une première raison de la particularité parisienne est que l’espace public dans lequel un mouvement Incroyables Comestibles s’insère diffère largement entre une ville de province, souvent composée d’une mairie, d’un marché principal, de quelques écoles et d’une église, et Paris, où l’on dénombre 21 mairies, 660 écoles, 360 églises et une multitude de marchés. Dans ce cadre, pérenniser et rendre visible le mouvement est plus ou moins délicat. Aussi, le citoyen parisien est bien plus reculé de la Terre qu’un citoyen des régions rurales françaises.

Ainsi, du fait de ces éléments, le but des Incroyables Comestibles Paris est avant tout informatif et pédagogique. A l’échelle de la copropriété, du conseil de quartier ou de la mairie, il s’agit d’instaurer ce que Nathan Dubois appelle un « laboratoire  de rue » où chacun peut bénéficier d’informations sur les variétés de plantes et de légumes, comment elles poussent, etc. L’outil privilégié de ce mouvement : les bacs, jalonnant ci et là les rues parisiennes, vecteurs privilégiés du partage et d’un certain retour à la terre.

On retrouve cet objectif informatif chez Les Engraineurs, qui, par leurs manifestations publiques décalées et festives, visent à parler de sujets sérieux que la majorité des citoyens ne connaissent pas forcément. Parmi les outils utilisés par le collectif figurent ce que les Engraineurs appellent les « causes », masques en carton illustrant avec humour le thème en question et permettant, surtout, d’effacer le militant au profit de la cause elle-même.

En effet, pas de place pour l’ego chez les Engraineurs, pas de leader sur le devant de la scène ; seulement des citoyens engagés pour une même cause. Quant à leurs formes d’action, elles peuvent être plus ou moins provoc’, de la tenue d’un stand « Hypermarché Transatlantique » à l’humour noir lors de la journée contre les accords de libre-échange, au défilé spontané dans les Galeries Lafayettes en pleine période de Noël en chantant « Vive l’argent, vive l’argent, vive l’argent qu’on perd ! ».

Les réseaux sociaux, espace public 2.0 ?

S’il y a bien un point commun à ces deux mouvements (et peut-être à l’ensemble des mouvements citoyens d’aujourd’hui), c’est la puissance des réseaux sociaux dans leur plan d’action. Pour les Engraineurs aussi bien que les Incroyables Comestibles, Facebook occupe une place majeure, leur garantissant une visibilité croissante mais aussi un contact facile avec les potentielles nouvelles recrues. Le collectif des Engraineurs s’est d’ailleurs entièrement construit sur Facebook, et leur première action a eu lieu avant même que les premiers Engraineurs se rencontrent « physiquement ».

Louise Moulin va jusqu’à qualifier la communication de « nerf de la guerre », puisqu’elle est l’outil le plus efficace pour mettre en lumière les luttes en cours et les alternatives proposées, de manière toujours plus créative, comme le prouve leur chaîne Youtube. Initier un mouvement citoyen, c’est aussi mettre la communication au service des résistances et des luttes d’aujourd’hui.

Riches de ces deux témoignages, on peut facilement confirmer que les mouvements sociaux se réapproprient l’espace public, du balcon aux grands boulevards en passant par le web !

Pour plus d’informations sur le Collectif Citoyen Les Engraineurs, voici leur site web et leur chaîne Youtube

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