Cas POSCO : la lutte des populations tribales de l’Odisha se poursuit

Le 22 juin dernier, Prashant Paikray, porte-parole du groupe militant POSCO Pratirodh Sangram Samiti (PPSS), appelait à la commémoration de ce qu’il a nommé le « Black Day ».  Cette date marquait en effet le 9ème anniversaire de la signature de l’accord entre le gouvernement de l’Etat d’Odisha et la compagnie minière coréenne POSCO, visant à l’installation d’une exploitation minière et d’un port commercial évalués à 12 milliards de dollars, et compromettant fortement l’avenir des populations tribales locales et l’équilibre environnemental de la région. Près d’un an plus tard, le projet est toujours bloqué et les villageois sont de plus en plus organisés dans leur lutte contre l’Etat et le géant minier. Bien que les médias locaux aient récemment évoqué le retrait de POSCO et l’annulation du projet, le PPSS a déclaré le 6 avril dernier que sa lutte ne prendrait fin que quand le géant minier sera définitivement retiré, que les terres accaparées seront officiellement rendues à leurs propriétaires légitimes et que les accusations mensongères proférées contre les opposants au projet seront annulées. 

Intimidation, répression et silence coupable des autorités locales et nationales

Les dernières déclarations du PPSS, insistaient sur l’importance majeure d’un soutien international à cette lutte, non seulement comme une lutte humaine, sociale et environnementale contre les abus d’un gouvernement et d’une multinationale, mais aussi et surtout comme une lutte pour la démocratie. Ces dernières années en effet, les tentatives d’intimidation de la part des représentants de la police et du gouvernement local contre les militants opposés au projet POSCO se sont multipliées, allant des accusations mensongères aux arrestations injustifiées, en passant par une répression violente contre des manifestations pourtant pacifiques et démocratiques. A ce propos, en novembre dernier, le PPSC dénonçait une démarche « clandestine » de l’Etat d’Odisha, qui favorise de manière inconditionnelle le géant minier et ferme les yeux sur les protestations tribales.
Ces abus ont dans un premier temps contribué à effrayer et par conséquent à étouffer la résistance des villageois, d’autant plus divisés que POSCO avait promis le versement de compensations, au nom de sa politique de Responsabilité Sociale. Néanmoins, dix ans plus tard, les paysans n’ont pas reçu la somme qui leur était due : dans les villages de Gadakujang, Noliasahi, Bhuyanpala, Dhinkia, Gobindpur et Nuagaon par exemple, seule une partie de la somme promise a été versée en 2010. Les cultivateurs de bétel vivent ainsi dans une pauvreté extrême, alors même que les terres desquelles ils ont été renvoyés ne sont toujours pas exploitées, du fait des freins opposés au projet, provenant de la société civile mais aussi de contraintes administratives et environnementales. Ainsi depuis le début de l’affaire, ce sont plus de 2000 familles qui ont été privées de leurs moyens de subsistance et plus de 3000 plantations de bétel qui demeurent inexploitées.
Face à cette situation, le silence du gouvernement central indien a été fortement condamné par le PPSS, déclaré comme une « grande source d’inquiétude » pour les populations touchées. Récemment encore, en janvier dernier, le Premier Ministre Narendra Modi annonçait un projet d’amendement de la Loi sur l’Acquisition des Terres de 2013, afin de revenir sur l’obligation de consentement et d’évaluation de l’impact social dans les cas où la sécurité nationale, la défense ou l’amélioration des infrastructures rurales entraient en jeu. Le PPSS a dénoncé à cette occasion un favoritisme constant de l’Etat envers les multinationales, niant toujours davantage les droits fondamentaux de millions de paysans.
Le rebond de la résistance villageoise depuis juin 2014
Forts de ce constat ainsi que de la confirmation en juin 2014 du soutien de Jual Oram, ministre des Affaires Tribales de l’Union indienne, la communauté locale a réorganisé sa lutte. Ainsi, des milliers de membres des communautés tribales se sont rassemblées dans le village de Budhabhui le 5 juin à l’occasion de la Journée Mondiale de l’Environnement, rebaptisée pour l’occasion le « Save Khandadhar Day » pour protester contre la poursuite des accaparements de terres dans la région. Une nouvelle preuve de la cohésion populaire est également apparue le 20 septembre dernier à travers une résolution votée à l’unanimité par le conseil municipal de Dhinkia, visant à refuser l’utilisation des territoires forestiers pour des objectifs qui vont contre l’intérêt forestier. Plus tard, les 29 et 30 novembre derniers, s’est tenue à Dhinkia la Convention Nationale des groupes anti-POSCO, réunissant plus de 500 délégués de divers groupes militants et mouvements populaires pour échanger et favoriser une meilleure coopération face aux défis actuels et à venir. En janvier 2015, la visite en Inde du président sud-coréen Park Geun-Hye a également suscité de vives manifestations nationales, dans la capitale de l’Etat d’Odisha mais aussi à New-Delhi.
Un des actes les plus symboliques de cette résistance paysanne pacifique est certainement la destruction en février 2014 du mur d’enceinte de 180m construit en toute illégalité par POSCO dans le village de Nuagoan. Depuis lors, après maintes crises entre villageois et représentants de POSCO et de l’administration locale mais aussi entre villageois pro et anti-POSCO, des villageois sont toujours affectés à la surveillance de la clôture de bambou érigée pour empêcher toute introduction dans leur village.
Quoi de neuf depuis 2015 ?
Depuis début avril 2015, les rumeurs courent sur un éventuel retrait définitif de POSCO de son projet minier en Odisha, sans que le gouvernement de l’Etat d’Odisha ne confirme cette déclaration. Néanmoins, le porte-parole du PPSS, Prashant Paikray, a rejeté ces déclarations médiatiques en bloc le 6 avril dernier, réaffirmant la poursuite de la lutte anti-POSCO dans la région et ailleurs tant que le géant minier ne sera pas définitivement retiré, que les terres accaparées ne seront pas officiellement rendues à leurs propriétaires légitimes et que les accusations mensongères proférées contre les opposants au projet ne seront pas annulées.
A l’occasion du « Black Day » le 22 juin dernier, des centaines de paysans se sont à nouveau mobilisés, rubans noirs au poignet, pour défendre leurs droits et réclamer le retrait officiel du géant minier. Cette mobilisation a montré une fois de plus à quel point la communauté paysanne de l’État d’Odisha est déterminée à poursuivre sa lutte.
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