François DE RAVIGNAN

François DE RAVIGNAN • agronome
(Hommage)

"François de Ravignan nous a quitté le vendredi 10 juin 2011. C’est une grande figure de la critique du développement qui disparaît. C’est pour nous tous et pour SOLIDARITÉ une grande perte.

J’ai rencontré François pour la première fois en 1978 dans son petit bureau de la faculté des Sciences Sociales à Toulouse. Je rentrais de 5 années passées en Inde. Ce fut pour moi une révélation, mon bon "karma" pour reprendre la terminologie indienne. Nous nous sommes compris de suite. Nous étions tous deux des révoltés, révoltés pour la vie et contre tout ce qui peut avilir. La révolte de François fut particulièrement féconde. En 1979, ce fut la création à Toulouse du CIDES (Centre d’information pour un développement solidaire) à laquelle je participais avec lui. En 1980, à sa création, SOLIDARITÉ s’inspira de sa pensée et de son action. Il fut mon guide, mon Maitre dans la critique du développement, "On n’a pas besoin du développement, on n’a pas besoin d’un empereur stupide et prétentieux." écrivait-il. Il me permit de rencontrer François Partant qui osa s’attaquer au développement alors que nous étions encore si peu à le remettre en cause.

Complètement investi dans la problématique de la terre, il prit, ces dernières années, une part essentielle dans le combat non violent pour et avec les sans terre de l’Inde qu’il mena au côté de Rajagopal du mouvement Ekta Parishad et de Solidarité. Nous étions ensemble avec nos compagnes dans la marche au Chhattisgarh en Inde en février 2003. François était un excellent marcheur, tout du long, il scrutait, analysait la campagne indienne et ne manquait pas, comme à son habitude d’y faire les critiques les plus pertinentes. C’était un homme de vérité, sans compromissions et pour cela il prenait des risques : "Il faut dans la vie prendre des risques. Et d’abord ne pas plaire à tout le monde." disait-il. Il était contre la propriété de la terre et il le faisait savoir. Il avait écrit à Rajagopal pour lui dire les dangers de vouloir distribuer les lopins de terre aux sans-terre (intouchables et tribaux) en pleine propriété et suggérait plutôt la forme communautaire comme l’avait fait après l’indépendance de l’Inde Vinoba Bhavé, le disciple de Gandhi.

A partir de 2004, tous les étés, il animait les sessions de formation à l’IITPD (Institut indien de formation sur l’Après-Développement), créé par SOLIDARITÉ, dans le Tamil Nadu (Inde du Sud). Jusqu’à sa dernière participation en juillet 2010, il n’a cessé de transmettre aux jeunes européens et indiens son amour des petits paysans et de la terre, leur ouvrir les yeux quand il s’agissait de la critique du développement, la non violence, la lecture de paysage qu’il pratiquait à merveille.

François était un fin pédagogue et un vrai praticien, un homme de terrain n’hésitant pas à mettre la main à la pâte, arpentant les villages indiens avec des jeunes qui buvaient sa science et son amour de la terre. Il disait : "Ce qui importe, c’est d’abord et avant tout de changer la direction de notre regard et donner envie aux autres d’en faire autant". Des envies, des outils qu’il a su transmettre aux jeunes et moins jeunes qui passaient à l’IITPD, qui transmettront à leur tour, pour construire cette société conviviale que nous souhaitons tous. Toutes les révoltes de François l’ont été pour et avec les exclus et les parias de la terre. Nous avons eu de grands moments de bonheurs, en dehors des sentiers battus, comme durant notre séjour au Kérala dans le sud de l’Inde avec nos compagnes. Il était heureux et nous étions heureux d’être avec lui. Merci François pour ta grande générosité, merci pour ta simplicité car tu étais humble, merci pour toutes les richesses que tu as su si bien nous transmettre. Grâce à toi, à ton œuvre, ton action, nous continuerons à nous révolter, à aimer le monde et les hommes. "J’ai décidé de refuser tout ce qui, de près ou de loin, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, fait mourir ou justifie qu’on fasse mourir". Cette citation d’Albert Camus te va bien. La mort dans l’âme, nous te souhaitons François une mort heureuse. François n’est plus parmi nous mais il est en nous. C’est quand un être n’est plus qu’on le perçoit le plus.

SOLIDARITÉ continuera de poursuivre ce qu’il a commencé. Nos actions continueront de s’inspirer de sa pensée. Merci pour tout François. On t’aime."

Jean-Louis BATO, Membre fondateur et d’honneur de SOLIDARITÉ

  • Retrouver ici l’hommage de l’association "La Ligne d’Horizon, les Amis de François Partant" dont François de Ravignan était Président.

  • Un hommage a été publié en juin 2013 dans la Revue Horizons Magrébins, retrouvez le ici



Biographie

Agro-économiste, il a exercé des activités de recherche et formation en Afrique Noire, au Maghreb, en Haïti, au service du monde paysan. Puis, chercheur à l’INRA, il a travaillé en Europe (France, Italie, Espagne, Allemagne).

Il a été l’auteur, entre autres ouvrages, de Les sillons de la faim (avec Jacques Berthelot, L’Harmattan, 1981), Comprendre un paysage (avec Bernadette Lizet, INRA, 1987) ; L’Intendance ne suivra pas, essai sur l’avenir de l’agriculture française (La Découverte, 1988); La faim, pourquoi ? ; un défi toujours d’actualité (La Découverte, 2009) ; d’articles et contributions à des ouvrages collectifs, par exemple Avec les paysans du monde  (c/o Marc Ollivier).

Par ailleurs, ses activités dans l’Aude lui ont donné l’occasion de publier L’avenir d’un désert (Atelier du Gué, réédition 2003). Il a également été administrateur de l’ADEAR 11  (Association pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural dans l’Aude).

Un voyage d’études en Pologne a donné lieu à la rédaction d’un Carnet de voyage en Pologne (A plus d’un titre éditions, 2007).

Des missions en Inde de 2003 à 2008, notamment avec Solidarité, ont occasionné la publication par l’association de recherche La ligne d’horizon, les amis de François Partant, dont il était le Président d’honneur, de Carnets de voyage en Inde 2003-2007 (A plus d’un titre éditions, Lyon, 2008).

Enfin, il a contribué à un livre-cd pour enfants sur le thème de la souveraineté alimentaire (dont une partie de l’action se passe à Carcassonne) J’aime les galettes… et moi les pommes (GRAD, 2008).

Retrouver plus d’articles en pièces jointes et ici


Ouvrages

  • "La faim, pourquoi ? ; un défi toujours d’actualité" (La Découverte, 2009)
    Cette sixième édition actualisée propose en outre une postface inédite de l’auteur, qui revient notamment sur la crise alimentaire du printemps 2008. Un diagnostic précis de la faim dans le monde, y compris dans les pays du Nord, et de ses effets sur la santé et l’économie. Une invitation à découvrir ce qu’est l’agroécologie.
  • "J’aime les galettes… et moi les pommes" (GRAD, 2008)
    Livre-cd pour enfants sur le thème de la souveraineté alimentaire comportant 2 histoires. Pour tous ceux (parents, grands-parents, enseignants, animateurs) désireux de réfléchir avec les enfants sur l’origine des aliments qu’ils consomment et aux avantages de manger ce que l’on produit chez soi.
  • "Carnets de voyage en Inde 2003-2007" (A plus d’un titre éditions, Lyon, 2008)
    Venu pour participer à des séminaires et des formations en Inde, il découvre un pays et ses problèmes : castes, développement, accès à la terre… Il pose sur le pays un regard d’agronome accoutumé à la lecture de paysage et rédige son journal dans la tradition des grands voyageurs.
  • "Carnet de voyage en Pologne" (A plus d’un titre éditions, 2007) 
    L’auteur est allé en 2006 à la rencontre de la dernière économie paysanne de l’Union européenne, celle de la Pologne. Une économie paysanne menacée de suivre le même chemin, productiviste, chimique et destructeur d’emplois que dans les autres pays membres.
  • "L’avenir d’un désert" (Atelier du Gué, réédition 2003)
    Les régions de montagne méditerranéennes, sont-elles vouées à une désertification irrémédiable, dans la droite ligne de l’évolution des cent dernières années ? Une étude passionnante de l’évolution démographique et économique des huit cantons bordant la Haute-Vallée de l’Aude.
  • "L’Intendance ne suivra pas" essai sur l’avenir de l’agriculture française (La Découverte, 1988)
  • "Comprendre un paysage" (avec Bernadette Lizet, INRA, 1987)
  • "Les sillons de la faim" (avec Jacques Berthelot, L’Harmattan, 1981)
    La croissance de la faim dans l’hémisphère sud est-elle due aux sécheresses, à la surpopulation ou à l’inorganisation des Etats ? Peut-elle se résorber par l’aide ou bien par plus d’équité dans les échanges internationaux ? Les études de cas rassemblées par le Groupe et présentées ici montrent comment, dans toutes les parties du monde, les choix technologiques et politiques actuels tendent le plus souvent à supprimer ce contrôle, creusant ainsi les sillons où germe la faim.