Témoignages – Les ravages de la tempête Alex sur les Alpes-Maitimes

Octobre 2020

Catastrophe environnementale et climatique, la tempête Alex a touché de plein fouet les Alpes-Maritimes, et plus particulièrement les vallées de la Roya, de la Tinée et de la Vésubie le 2 octobre 2020. Elle laisse derrière elle un bilan humain et matériel terrible et des vallées sinistrées qui prendront des mois, voire des années à se reconstruire. Une situation inédite qui a particulièrement touchés les petits paysan.nes locaux. La sidération a désormais laissé la place à un véritable élan de solidarité au niveau local et national.

Faites un don à l’appel d’urgence pour les paysans et paysannes des vallées sinistrées

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Pour comprendre au mieux la situation actuelle, nous avons demandé aux acteurs et actrices locaux de nous partager leur histoire et leur vision de la catastrophe. A travers ces lignes, découvrez leurs témoignages poignant.

 

Des demains incertains pour les paysans et paysannes des vallées

« 10 jours après cette tempête, nous ne savons toujours pas comment sortir de chez nous. Notre accès est interrompu à plusieurs endroits, et nous n’avons toujours aucunUrgence Alpes Martimes 4e idée de comment, et par où faire passer un véhicule. Nous sommes prêts à affronter quelques mois sans aucunes sources de revenu, faute de pouvoir sortir notre production, mais ce qui me fait peur c’est que nous ne pourrons pas passer une année de plus sans revenus, surtout avec deux enfants en bas âges ! Si nous n’arrivons pas à trouver de solutions dans les semaines qui viennent, nous allons devoir penser sérieusement à changer de vie… » – Coline, maraîchère à Clans (Vallée de la Tinée)

« Je viens exprimer mon choc face à ce qui nous est arrivé : routes, chemins impraticables, glissements de terrain, cultures perdues, alimentations en eau agricole disparues …et la liste s’allonge chaque jour. Je n’ai pas de mots pour décrire ce qui nous entoure. Voici notre nouveau quotidien. Tout mon système d’irrigation est parti avec la tempête. S’il n’est pas rétabli avant le printemps, c’est la fin de mon activité » – Alan, producteur de semences paysannes à la Tour-sur-Tinée (Vallée de la Tinée)

Urgence Alpes Martimes 2« Notre métier de paysan.ne montre le lien indispensable de l’homme à la terre qu’il cultive et aux animaux qu’il élèvent dans le but d’apporter de la nourriture de qualité aux autres. Cet équilibre complexe est souvent le fruit du travail de plusieurs générations, les unes après les autres… C’est cet équilibre que nous venons de perdre avec la disparition d’1 hectare de terres arables que nous cultivions depuis 2016, avec des asperges vertes et des céréales que nous transformions en pains. Nous avons perdu la terre, et avec elle les récoltes de 2021. Ainsi que la perspective des années à venir sur ce terroir. Il nous faudra nous réinventer, trouver des nouvelles terres pour rééquilibrer notre ferme. » – Ana-Maria, paysanne à La Brigue (Vallée de la Roya)

« Ce qui s’est passé ici est inimaginable. Les premières conséquences pour moi sont économiques. Je ne peux pas me rendre à deux grandes foires agricoles qui me permettent de vendre chaque année mes produits: les routes et les ponts sont détruits. Cela représente une perte d’environ 5 000 € que je ne pourrai jamais récupérer. Une partie de ma production de semence a été dévastée par le vent. Cela met en péril mon activité d’artisane-semencière » – Marie, paysanne semencière à La Brigue (Vallée de la Roya)

Montage témoignage

Une aide alimentaire qui ne permet pas de soutenir l’économie locale

Maxime Schmitt« Dans la haute Roya, du fait de la catastrophe, de la perte de nombreux emplois et du manque de liquidité, les citoyens privilégient de fait l’aide alimentaire héliportée et gratuitement distribuée que les nombreux produits frais des producteurs bio locaux qui peinent énormément à les écouler. Nous marchons sur la tête ! L’absurdité de l’agriculture industrielle et de la surconsommation de pétrole co-responsable du dérèglement climatique à l’origine de l’augmentation de la fréquence et de l’intensité de ces catastrophes naturelles se retrouvent paradoxalement incarnée dans cette situation. On risque de jeter des légumes frais bio des producteurs locaux de la Roya parce qu’arrivent à grands coups d’hélicoptères et de pétrole des denrées alimentaires bien souvent industrielles, non fraîche et de la grande distribution. Il n’est évidemment pas question ici de juger toutes les personnes pleines de bonne foi et de générosité qui souhaitent aider les sinistrés, ni de condamner les secours par hélicoptère qui font un nécessaire travail de terrain, ni, évidemment, les personnes en détresse qui sans perspectives claires de leur avenir économique font ce choix. Je souhaite simplement pointer du doigt ce paradoxe et que nous proposions collectivement d’autres voies ou nous pourrions par exemple, dédommager les paysans pour qu’ils puissent distribuer gratuitement leurs fruits et légumes. Des cellules de crise des paysans de la haute Roya se mettent en place pour envisager de nouvelles formes de résilience et d’intelligence collective. Nous avons besoins de vous et de vos dons pour répondre à l’urgence et construire un avenir autour de l’alimentation saine locale et de saison. » – Maxime, Coordinateur réseau pour le projet MSPM, Ceriana en Ligurie (Vallée de la Roya)

La mobilisation solidaire qui dépasse les vallées

Logo_FULL (1)« Après le passage de la tempête Alex, nous n’avons pas eu de nouvelles jusqu’au dimanche matin. Les paysans sont pleins de ressources, ce qui nous rassurait un peu. Mais quand nous avons vu l’étendue des dégâts notamment à travers les médias, nous avons vraiment craint pour leur vie dans les vallées. Quand j’ai pu avoir nos paysans partenaires au téléphone, ça m’a mis une claque dans le bon sens et je me suis dit que j’avais encore beaucoup à apprendre d’eux ! J’ai eu au bout du fil des personnes au moral exemplaire face à la situation, résolus et déterminés. La tristesse a laissé la place à l’optimisme. Nous ne pouvions pas aller sur place car les routes n’étaient pas praticables et on nous a demandé de ne pas monter : c’était assez frustrant. Nous avons donc réfléchi à la manière d’être les plus utiles. Continuer à vendre les produits des paysans des vallées ? Créer une cagnotte ? Faire un dîner pour sensibiliser et valoriser les producteurs locaux ? Finalement, c’est l’aide au transport des produits qui revenait le plus souvent. Et trouver une solution pour acheminer les produits d’un côté comme de l’autre. C’est notre cœur d’action sociale de présenter les produits des paysans locaux à Nice. Nous avons donc décidé de venir jusqu’à eux. Il y a près de 50 rotations aériennes pour le ravitaillement des vallées par jour mais les hélicoptères reviennent vides. Notre plus grand défi est de mettre la main sur un hélicoptère entre Tend et Breil pour descendre les produits paysans et que nous puissions ensuite les amener jusqu’à Nice. Cela permettrait de vendre les produits et d’assurer un petit revenu aux paysans. Ce qui permet, et qui permettra, aux vallées de vivre, c’est le lien entre les gens : entre les gens des vallées mais aussi entre eux et les ceux de Nice » – Eliott, fondateur du magasin 21 Paysans, Nice

« Nous rebondirons : les paysans sont des battants ! »

Amélie - Ferme Vésubie 3« Le 2 octobre 2020, la tempête Alex nous a impactés avec une violence inouïe. Notre ferme a subi d’importants dégâts : toiture du fenil arrachée par le vent, toiture de la maison emportée, pertes d’aliments pour les animaux, câbles électriques et alimentation électrique arrachés aussi. Les aménagements extérieurs pour l’agrotourisme ont été détruits ainsi que notre maison que nous partageons en recevant nos hôtes dans le cadre du tourisme à la ferme. Ce lien indispensable nous permet d’échanger, de partager, d’expliquer notre merveilleux métier de paysan. Tout avait été mis en place au mois de juin afin de rouvrir la ferme-auberge (début septembre) après cette longue période de fermeture sanitaire (covid).
En quelques heures tout a été anéanti … Mais nous nous consolons :
• nos poussins d’1 jour sont restés bien au chaud malgré la coupure d’électricité, nous avions un groupe électrogène qui a pris le relais.
• les cochons sont passés à travers les arbres tombés et arrachés par la force des bourrasques de vent. Ils se sont réfugiés dans leur bâtiment.
• Le troupeau de brebis est toujours en alpage à Sauze, un secteur qui a été épargné.
Notre souci premier est de pouvoir revenir à Utelle avec les brebis gestantes. Les routes étant coupées, nous étions coupés du monde sans alimentation pour nos bêtes. La situation depuis s’est un peu améliorée : nous pouvons circuler par la route de Duranus. La transhumance fin octobre s’annonce compliquée vu la distance supplémentaire à parcourir à pied par la Tinée.
Nous rebondirons : les paysans sont des battants ! Certes ces passages sont épuisants et difficiles mais par rapport aux malheurs subis par d’autres avec des dommages irréversibles et beaucoup plus graves …. » – Amélie, paysanne à Utelle (Vallée de la Vésubie)

Estelle - Ferme Vésubie

 

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Comme ces témoignages le montrent, la situation est terrible mais pas désespérée. Une telle catastrophe n’est qu’un exemple parmi d’autres des changements climatiques qui sévissent, n’épargnant aucune région du monde. Mais nous pouvons tous et toutes agir pour limiter l’impact de ces événements climatiques extrêmes sur le long terme. La solidarité et la mobilisation de chacun est la clé de voûte de cet enjeu. Vous aussi, engagez-vous pour les paysan.nes des trois vallées sinistrées en faisant un don et en relayant l’appel !

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