Interview de Joseph, paysan – projet Biofermes Internationales

Septembre 2016

Joseph est paysan en Sologne, il est également formateur dans le cadre du projet « Biofermes Internationales ». Sa ferme est un véritable havre de paix et le design du terrain est très particulier, surtout dans un environnement saturé par la monoculture à grande échelle. Nous avons voulu poser quelques questions à ce personnage hors du commun fortement impliqué dans la permaculture.

SOL : Peux tu te présenter ainsi que ton activité?

Je m’appelle Joseph Morrin, je suis né au Canada et j’ai 61 ans.
Je suis maraîcher en agriculture biologique, et je donne des formations en permaculture.
Je pratique la permaculture depuis 6 ans, j’ai obtenu la mention Bio depuis 98 mais j’ai toujours cultivé de manière naturelle. Par exemple, mes engrais et pesticides sont entièrement naturels. Je n’utilise pas de produits chimiques dans ma production agricole, et le moins possible dans ma vie de tout les jours. Au fil de ma pratique, je me suis spécialisé en permaculture, j’adhère complètement au respect de la terre, au fait de nourrir la Terre, qui au final nous nourrit.
Concrètement, que ce soit pour l’agroécologie ou la permaculture un des buts est d’améliorer la structure du sol tout en préservant ce qui nourrira la plante au quotidien et cela dans une perspective long terme. Pour moi, c’est donc alimenter le sol avec des matières organiques, utiliser intelligemment les associations de plantes, ne pas labourer la terre, et augmenter considérablement la biodiversité sur le domaine de culture en introduisant différentes sortes de plantes, arbres fruitiers, aromates. Au final, tout ce que je peux planter pour créer un véritable écosystème.

SOL : Quels avantages trouves-tu à pratiquer ce type d’agriculture par rapport à l’agriculture conventionnelle ?

Pour moi un point majeur est l’autonomie, en n’utilisant que le moins d’ intrants possible, je ne dépend pas de grands groupes pour assurer le succès de ma récolte. D’une, cela me coûte moins cher et en plus le sol s’améliore rapidement. Ça n’a pas forcément été facile au tout début mais année après année on le voit, on a plus besoin de biner, on ne désherbe presque plus, on fonctionne plus avec le paillage. Mon confort de travail s’est beaucoup amélioré par rapport à avant, en plus la qualité des produits n’a jamais été aussi bonne.

SOL : Avec quelles semences travailles-tu ?

Je produis certaines de mes semences, mais pas toutes. La production de semences, c’est un métier à part entière. Pour celles que je ne produis pas je me fournis chez un semencier en bio. Par contre je suis assez ouvert aux échanges de semences avec d’autres agriculteurs bio. En fait sur ce métier, et pour avoir une approche complète et globale, il est mieux d’être à plusieurs, avec différentes spécialités. L’impact sur la culture est important quand on réalise au même endroit de l’élevage, de l’apiculture, de la production semences. Après, c’est beaucoup de travail cela nécessite plusieurs personnes.

joseph-md2

SOL : Peux tu m’en dire un peu plus sur ton confort de vie au quotidien que tu as mentionné ?

Revenons un peu en arrière, j’étais déjà agriculteur et j’ai entendu parler de la permaculture il y a 25 ans par des connaissances aux États-Unis. Ensuite un couple de clients m’a prêté un livre dePatrick Whitefield (The Earth care manuel), ça m’a passionné et là je me suis dit qu’il fallait vraiment que j’y participe.
Avant j’avais deux parcelles séparées de 8km et je ne trouvais pas très écologique de devoir prendre constamment mon camion pour aller d’une parcelle à une autre, pour amener le matériel. Rien que de regrouper tout sur plusieurs parcelles connexes m’a permis de faire une économie de 1000€ sur la 1ère année. En affinant mes techniques agro-écologiques j’ai pu passer de 7500m2 de surface de culture à maintenant 5000m2 tout en produisant la même quantité de légumes.
Grâce à cette organisation j’ai gagné du temps, j’ai moins de frais, maintenant j’ai plus de temps pour ma famille. Je peux prendre un jour et demi de repos par semaine , alors qu’avant je ne pouvais m’accorder qu’une après-midi.

SOL : Aurais tu des conseils pour ceux qui souhaitent s’installer en agro-écologie ?

Il faut commencer petit, et seulement ensuite agrandir en fonction de ses possibilités, ses attentes et ses expériences.
Par exemple, j’ai commencé petit, ensuite j’ai agrandi mais maintenant je diminue ma surface au fur et à mesure en gardant la même production, et en améliorant la qualité.
Je suis extrêmement content des avancées du projet « Biofermes internationales », on peut passer plus de temps dans la transmission des savoirs en organisant des formations, c’est très encourageant de voir qu’ il y a beaucoup de personnes qui s’intéressent à l’agroécologie et qui le partagent avec leur entourage.

SOL : Une anecdote pour finir ?

En 1998, quand je me suis installé le voisin céréalier avait 1500 hectares de terrain et a racheté des terres autour des miennes.
Nous avons eu quelques frictions car il voulait remembrer nos zones de cultures en créant des parcelles bien droites. N’ayant pas apprécié sa manière un peu agressive et comme je voulais garder le terrain comme il était à l’origine, j’ai tardé à m’arranger avec lui.
Furieux, il m’a dit: » En l’an 2000, des petits producteurs comme vous , il n’y en aura plus! »
Nous sommes maintenant en 2016, je suis toujours là, par contre lui a connu des complications et a du vendre son exploitation…
Je dois vous laisser parce que je dois mettre les différentes zones de production en place avant que mes prochaines stagiaires arrivent , mais à bientôt.

En savoir plus sur le projet « Biofermes Internationales »…

En savoir plus sur les formations de formationsbio au sein de la Ferme Sainte Marthe…