Pourquoi et comment produire nos semences ?

De la nécessité d’apprendre à produire collectivement nos semences potagères

« […] 75% des espèces comestibles ont disparu en moins d’un siècle. (Chiffres ONU – FAO). La disparition des savoir-faire et la standardisation industrielle ont appauvri notre nourriture, au point qu’il faudrait manger 26 pêches d’aujourd’hui pour retrouver la valeur nutritionnelle d’une pêche de 1950. De même les variétés de pommes d’autrefois contenaient jusqu’à 100 fois plus de vitamines que certaines de nos variétés modernes »1

Réapprendre à produire nos légumes et à reproduire les semences qui en sont issues apparaît comme un impératif sur bien des plans. Quelques éléments de réflexion pour appréhender cette nécessaire pratique accessible à tou-te-s, infiniment plus pertinente si développée collectivement.

La conservation des semences : un impératif agroécologique

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Aujourd’hui, le constat est rude : la plupart des variétés comestibles a disparu, ce qui signifie que nous avons définitivement perdu tout un pan de notre patrimoine potager, des variétés locales qui étaient adaptées aux territoires, climats et terroirs de ceux et celles qui avaient mis des siècles à les créer, les perfectionner et les conserver.

En même temps que ces disparitions s’accéléraient, les semences ont été standardisées, formatées et marchandisées par l’industrie agroalimentaire. Elles l’ont été d’autant plus à coup d’intrants chimiques (engrais, pesticides, fongicides, etc.) qui ont contribué à produire une alimentation sans goût ni qualités organoleptiques et nutritionnelles intéressantes. Selon certains, il nous faudrait bientôt manger non pas 5 mais 50 fruits et légumes par jour pour disposer des vitamines et minéraux suffisants ! 2

Corrélativement, nous avons assisté à une perte progressive des savoirs et savoir-faire ancestraux liés à la production de semences. Autant de connaissances et pratiques qui ont pourtant permis à elles seules de nourrir les peuples pendant des siècles avant que l’avènement de l’agriculture industrielle moderne n’y mette petit à petit un terme.

C’est cette autonomie que l’agroécologie cherche à redéployer en privilégiant les connaissances et pratiques paysannes. Il ne peut en effet y avoir d’agriculture pérenne, saine et respectueuse de l’environnement sans un travail de fond sur la réappropriation de ces savoirs paysans permettant de sauvegarder une « biodiversité cultivée » foisonnante.

Réapprendre à faire ses semences c’est encore contribuer d’année en année à adapter les variétés aux conditions climatiques propres à chaque terroir et à les accompagner dans le développement de résistances naturelles aux maladies, parasites et autres aléas du jardin. C’est alors la garantie de nous donner d’avantages de moyens dans notre résilience aux bouleversements climatiques.

Produire sa semence, la multiplier et l’échanger gratuitement est également et indéniablement un acte de résistance contre le brevetage du vivant et la marchandisation de la biodiversité. Cette nécessité est elle alors l’apanage des maraîchers ou professionnels ? En réalité, jardinier-e, passioné-e de botanique, membre d’un jardin partagé, tout le monde est en capacité d’en devenir acteur.

Cela apparaît même d’une pertinence avérée : les
semences ont une durée germinative limitée et ne sont conservées de génération en génération qu’à condition d’être cultivées dans les jardins. Une semence que l’on garderait précieusement dans un « coffre aux trésors » est alors condamnée à disparaître…

Une approche nécessairement collective et collaborative de la production de semences

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S’il apparaît pertinent de nous y mettre tou-te-s, il apparaît ardu pour chacun-e de tout prendre en charge. Réaliser seul un panel intéressant de semences est chronophage et demanderait d’en faire son métier. Or, le métier de semencier n’est apparu que très récemment et pour cause : la production de semences s’est toujours réalisée au fil des siècles de manière collective et collaborative. Dans certains pays, chaque ferme prenait en charge la production d’une ou de quelques variétés et les fermes au sein d’un village s’échangeaient les quantités nécessaires à la culture de chacune chaque année. Il en était ensuite de même occasionnellement entre les villages afin d’obtenir une alimentation plus variée. Certaines associations cherchent aujourd’hui à faire revivre ces pratiques. 3

De plus, la maitrise de la reproduction des semences peut s’avérer technique et complexe en raison de la nécessité de prendre en compte de nombreuses variables : la taille de la parcelle disponible ne permet bien souvent pas de produire l’entièreté des semences que l’on souhaite cultiver ; son emplacement expose la semence aux risques de pollinisation croisée entre variétés d’une même espèce en raison des autres jardins cultivés alentours ; les qualités agronomiques du terrain (type de sol, fertilité, etc.) ne correspondent pas aux besoins de toutes les cultures…en définitive, c’est bien « à plusieurs » que nous avons une chance de produire les semences dont nous avons besoin.

Alors, comment faire ?

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Il existe de nombreuses formations, plus ou moins courtes (certaines ne durent qu’un week end et sont assez complètes ), accessibles aux apprentis jardinier-e-s comme au maraicher-e-s. Elles permettent de se familiariser avec les bases botaniques et d’appréhender les rudiments de la production des semences (sélection des porte-graines, récolte, séchage, conservation, etc.) en fonction des familles et espèces potagères.

Il apparaît enfin important de partager les savoirs acquis, de les essaimer et de développer la dimension collective de la production de semences en participant – ou en créant le cas échéant – à un réseau local de production de semences: « grainothèque », « banque de semence locale », plateforme de « troc et don » de semences ou de plants : toutes ces actions collectives permettent de retrouver quelque peu les bases et outils collaboratifs de notre autonomie en matière de production et conservation de semences. Dans le cas où nous manquerions d’inspiration, l’expérience indienne de Navdanya ou la française avec le projet Biofermes Internationales et la création de banques de semences villageoises ne peuvent que nous conforter et nous encourager dans cette voie…

– En savoir plus sur l’orientation semences du projet des Graines de l’Espoir phase 2  en Inde , du projet Biofermes Internationales en Inde et en France

– En savoir plus sur les formations semences de Graines de vie en France, appel à candidature pour formation subventionnée

banque de semences

 

Sources:

1:  http://grainesdevie.net/ 

2:Voir notamment l’article de Bastamag « Faudra-t-il bientôt manger cinquante fruits et légumes par jour ? » http://www.bastamag.net/Faudra-t-il-bientot-manger
Pour l’instant, il semblerait que la littérature française soit muette à ce sujet. Seules des études canadiennes, étasuniennes et anglaises commencent à en faire état.

3:Voir notamment le film « Semences de Résistance » et l’expérience Hongroise : https://vimeo.com/61166880
4: Voir la formation des « Ambassadeurs » Graines de Vie : http://grainesdevie.net/ambassadeurs