Que sont devenus les stagiaires du projet Biofermes France ?

Septembre 2019

La partie française du projet Biofermes Internationales a permis la formation de 57 stagiaires en module 2 : une formation complémentaire de 2 mois en immersion dans une des petites fermes formatrices du réseau que nous développons. Porteur·ses de projet d’installation ou paysan·nes en reconversion, nous les avons interrogé·es chaque année depuis 2016 pour savoir comment évoluaient leurs projets !

Divers horizons, un objectif commun

IMG_20170720_110809Ils étaient technicien·nes en informatique, animateur·trices, ingénieur·es du son, artistes, policier·ères, cuisinier·ères, travaillaient dans les plus grandes multinationales, avaient été formé·es au commerce, à la valorisation du patrimoine, en biologie, à la mécanique ou aux arts plastiques… Ils n’avaient a priori rien en commun, mais sont tou·tes arrivé·es à la Ferme Sainte-Marthe Sologne avec en tête un objectif commun : changer de vie, se reconnecter avec la nature et apprendre à produire une alimentation respectueuse de l’environnement, de l’Homme et ce, de façon autonome.

Cet objectif, les stagiaires du projet souhaitaient l’atteindre de différentes façons : certain·es souhaitaient porter un projet d’installation maraîchère et d’autres de création de poulailler, par exemple. Quelques stagiaires souhaitaient même relancer ou reprendre leur domaine familial, ou simplement acquérir l’autonomie alimentaire. Des paysan·nes déjà en activité souhaitaient de leur côté, transformer leurs pratiques pour les rendre plus durables.

IMG_0160Les porteurs de projets ont premièrement suivi une formation appelée « Module 1 » à la Ferme Sainte-Marthe Sologne, qui est une formation professionnalisante à l’agriculture biologique et ses filières. Passée cette formation, un second module a permis aux stagiaires de mettre en pratique leurs acquis théoriques au sein d’une petite ferme formatrice du réseau. En 2016, 2017 et 2018, trois promotions et 57 stagiaires se sont succédés.

Expériences personnelles et évolution des parcours

Parmi les 40 anciens stagiaires interrogés, 8 sont déjà installés (1 en 2016, 4 en 2018 et 3 en 2019) et 16 sont en cours d’installation, autrement dit dans les démarches administratives finales avant le lancement officiel de la production et de l’activité économique ! Un bilan plutôt positif, même si quelques personnes ont malheureusement dû interrompre temporairement leurs projets pour des raisons personnelles et familiales.

IMG_20170601_153642Pour les porteur·ses de projets en cours d’installation, la première difficulté rencontrée s’avère être la recherche de foncier. Antoine a par exemple dû quitter sa région et migrer vers le Sud pour trouver une petite ferme à rénover. Pendant les deux premières années qu’il consacrera aux travaux, il s’agira pour lui de commencer à préparer le sol et de l’analyser afin de pouvoir démarrer au mieux son activité ! En attendant l’accès au foncier, certains se tournent vers d’autres activités : Mathieu est par exemple ouvrier agricole sur une exploitation de fruits rouges, effectue des petites missions de maraîchage, ou d’entretien de terrains. D’autres comme Pascal ont réintégré leurs postes afin de mettre un petit peu d’argent de côté. David avoue que l’installation en couple permet une plus grande forme de liberté : il a de son côté pu garder son activité professionnelle. Après l’achat de leur ferme, le temps est à la réflexion : ils prévoient de faire du maraîchage mais envisagent aussi de se lancer dans l’élevage ou la pisciculture et même de développer à petite échelle, des activités arboricoles et apicoles. Mathilde a parfait son parcours en ayant recours à une autre formation dans la région nantaise : un BPREA, qui s’achèvera en octobre 2019. Ensuite, elle envisage de s’installer, de préférence collectivement. Des emplois saisonniers lui ont également permis d’expérimenter différentes filières agricoles ou arboricoles.

IMG_20170614_163903Du côté des stagiaires installé·es, tout semble aller pour le mieux, malgré un manque de temps certain, qui les empêche de s’investir durablement au sein de réseaux, comme ceux des organisations paysannes. Les premières années de production contraignent souvent les paysan·nes à travailler de façon isolée, jusqu’à ce que leurs activités se fluidifient et gagnent en autonomie. Virginie a suivi la première année de formation, en 2016. Depuis, elle est maraîchère, fournit des magasins et a même crée un magasin de producteurs ! Charles s’est installé dans le Sud-Ouest sur 1 hectare en maraîchage. Aujourd’hui, il vend sa production via un système de paniers, mais aussi sur les marchés ainsi qu’à des restaurants. Justine a repris une ferme en avril 2018, qu’elle exploitera en maraîchage et son compagnon en élevage caprin. En tout, ils exploitent 90 hectares en bio, produisent de nombreuses variétés ainsi que du fromage de chèvre ! Du côté de Montpellier, Patrick a 3 principaux clients pour ses légumes: 2 magasins et 1 restaurant. La région dans laquelle il s’est installé a la particularité de concentrer une forte demande en bio : il évalue son année à 30 voire 40 000€ de chiffres d’affaires. A terme, il aimerait que d’autres personnes se joignent à son exploitation et permettent une gestion collective de son terrain.

Micro Ferme de Sainte MartheD’autres personnes ont retardé leur installation, souhaité diversifier leurs expériences ou décidé de devenir eux-mêmes formateurs et de transmettre les savoirs et savoir-faire qu’ils avaient acquis. Edouard a par exemple été maraîcher formateur en permaculture sur un terrain de 3 hectares suite à sa propre formation à la Ferme Sainte-Marthe Sologne et à La Ferme de la Renaudière. En 2017, il a également assuré des formations sur les semences. Anne a quant à elle trouvé un terrain sur lequel elle construit un bâtiment en paille porteuse pour proposer à son tour des formations dédiées au végétal. A terme, elle envisage tout de même d’utiliser une partie de son terrain à des fins de maraîchage. Sonia entreprend la création d’un réseau de sauvegarde des semences paysannes et espère pouvoir par ce biais, mener des activités de sensibilisation et organiser des formations sur la reproduction des semences.

Le travail continue pour SOL et ses partenaires !

Aujourd’hui en France, près d’un tiers des agriculteurs ont plus de 55 ans, présageant des départs à la retraite massifs dans les années à venir, sans garantie de pérennité de l’activité agricole ou de transmission des savoirs et savoir-faire de ces praticiens du vivant. Nous avons besoin de paysan·nes pour reprendre les fermes et/ou créer de nouvelles activités agricoles ! Il y a là un défi gigantesque : pallier l’effondrement de la population agricole en favorisant une culture à taille humaine, et donc la croissance de la population agricole. Car les petites fermes permettent non seulement une meilleure protection de l’environnement et de la biodiversité, mais aussi une plus grande valorisation du métier de paysan·ne, et garantissant de façon certaine la souveraineté et la sécurité alimentaire des populations à l’échelle locale.

Micro Ferme de Sainte MartheMême si nous constatons un véritable engouement, et notamment chez les plus jeunes de se tourner vers des activités rurales, porteuses de sens, et de mener une vie en harmonie et à l’écoute de la nature, de nombreux obstacles sillonnent encore la route de ces paysan·nes en devenirs, en reconversion, ou porteurs-ses de projet d’installation. Premièrement les difficultés d’accès au foncier, à la formation, aux financements, à l’aide administrative entravent ces projets d’installation. Deuxièmement, la Politique Agricole Commune continue de financer un seul modèle d’agriculture : extensif, intensif et monocultural, au détriment des cultures maraîchères, ce qui entrave la conduite des activités agricoles des petit·es paysan·nes une fois installé·es.

Il est dans un premier temps important d’assurer une formation rigoureuse, concrète, qui couvre tous les aspects de ce métier où la polyvalence est nécessaire, de la théorie à la pratique. Il est aussi important de comprendre, analyser et de valoriser ce qui existe aujourd’hui pour accompagner ces nouveaux porteurs de projets afin de répondre aux enjeux de nos territoires. Pour l’heure, SOL, le Réseau CIVAM, la FADEAR, Terre de Liens, RENETA et le Réseau des CREFAD se concentrent sur un projet collectif d’étude-action pour décrire, analyser et valoriser la diversité des parcours des porteurs de projets et les synergies d’acteurs d’accompagnement à l’installation agricole ; source d’emplois et de transmission des savoir-faire paysans.

52966879_10156912921897095_5645623331068575744_nPour finir, SOL et les 36 organisations membres de la Plateforme Pour une Autre PAC continuent de militer en faveur d’une politique agricole et alimentaire commune, qui défende un système juste, sain et duable et qui rémunère enfin les agriculteurs·trices en fonction des services qu’ils rendent à l’environnement, à la biodiversité, et à l’humain et non plus en fonction de la taille de leurs exploitations.

Un travail de longue haleine donc, mais qui chaque jour laisse entrevoir des issues positives, car la faisabilité de l’installation paysanne n’est aujourd’hui plus à prouver, et encore moins la satisfaction qu’elle procure ! Tous les anciens stagiaires que nous avons interrogés nous ont d’ailleurs avoué que malgré les différents obstacles et contraintes rencontrés en chemin, ils ne regrettaient en aucun cas d’avoir suivi leur formation et changé de vie. Aucun d’entre eux ne s’imagine revenir en arrière ou abandonner leur projet d’installation ! Il est temps pour l’heure, et plus que jamais d’unir toutes nos forces et nos idées, nos engagement et volonté, de partager nos témoignages et savoir-faire pour repeupler les campagnes !

ega

Dans un souci de confidentialité, tous les prénoms ont été changés.

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