Regards croisés : Emeline et Salomé nous parlent de leur métier au sein de SOL

Décembre 2021

Aujourd’hui, nous vous invitons à partir à la rencontre des membres qui ont fait et font SOL. Une série de témoignages qui commence ce mois-ci avec l’interview croisée d’Emeline Ganis, en charge des projets français de l’association jusqu’en mai 2020 et Salomé Le Bourligu occupant actuellement le poste de Chargée de Projets France. Ensemble, elles se confient sur leur activité et les actions menées par l’association au quotidien.

 

SOL – Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Emeline : Je m’appelle Emeline Ganis. J’ai fait une formation d’ingénieure agronome, Emeline-Site-BD2-recadrageet après un an passé à l’étranger, j’ai rejoint l’équipe de SOL pendant 2 années : de mai 2018 à mai 2020.  Actuellement je travaille dans une association au Pays Basque, qui s’appelle TREBATU, où je coordonne le « Stage Paysan Créatif », et j’accompagne aussi ma collègue sur l’accompagnement d’entrepreneurs à l’essai dans des lieux tests.

Salomé : Je m’appelle Salomé Le Bourligu. Je suis chargée de projets France auSalomé sein de l’association SOL. Je travaille plus particulièrement sur le projet Passerelles Paysannes. J’ai rejoint l’association il y a quelques mois, après des études en relations internationales et en sciences sociales, dans le cadre desquelles je me suis beaucoup intéressée aux questions de développement et à l’agroécologie.

 

SOL – Pouvez-vous nous présenter le poste que vous occupiez ou occupez actuellement au sein de l’association ?

Emeline : Je suis arrivée chez SOL en tant qu’animatrice réseau dans le cadre du projet Biofermes France. J’ai occupé ce poste pendant 1 an, et ensuite j’ai fait 1 an en tant que chargée de projet France. Du coup en projets français, il y avait la poursuite de l’animation et du suivi du projet Biofermes France, le suivi du projet Maison des Semences Paysannes Maralpines, les Tandems Solidaires, le co-pilotage de la campagne de sensibilisation Tablons sur nos paysans. J’ai aussi travaillé sur la co-construction d’outils de sensibilisation comme la BD « Toutes Paysannes, Tous paysans« , les mallettes pédagogiques, et sur la réflexion au lancement de 2 nouveaux projets : la phase 2 de Biofermes France et Passerelles Paysannes, au travers de l’animation des Rencontres Inter-Acteurs.

Salomé : Je suis chargée du développement du projet Passerelles paysannes, qui est actuellement notre principal projet en France, et qui a pour objectif de faciliter l’installation des personnes qui, aujourd’hui, souhaitent créer leur ferme mais qui, pour différentes raisons et notamment du fait qu’ils n’aient pas grandi dans le monde agricole, rencontrent certaines difficultés pour aller au bout de leur projet. Ces difficultés peuvent être liées à l’accès à la formation pratique, à l’accès au foncier, et aussi plus largement à l’identification des acteurs qui, sur chaque territoire, sont susceptibles de les accompagner dans leur parcours à l’installation.
C’est un projet que l’on porte avec 5 réseaux d’organisations fortement ancrées sur les territoires en France : Terre de Liens, la FADEAR, le Réseau CIVAM, le réseau RENETA et le réseau des CREFAD.
Pour préciser, ce projet s’inscrit dans la continuité de la partie française du projet Biofermes Internationales, qui a été porté de 2016 à 2019. Et il a été construit et pensé à partir de l’expérience de SOL dans le cadre de ce projet déjà destiné à accompagner les porteurs de projet dans le cadre de leur installation agricole. Par ailleurs, ce projet est aussi le produit de constats partagés avec un ensemble d’organisations, qui sont engagées sur les questions d’installation en France, et que SOL réunit périodiquement dans le cadre des Rencontres Inter-Acteurs (RIA), pour les inviter à partager leurs expériences et échanger sur les enjeux actuels en lien avec l’indispensable renouvellement des générations agricoles en France.

Biofermes-champs

SOL – Vous avez toutes les deux évoqué l’importance des RIA, pour aller plus loin, pourriez-vous nous décrire comment l’association construit les projets et la particularité la relation entre les partenaires et l’association ?

Salomé : Je pense qu’on peut dire que c’est dans l’ADN de SOL de co-constuire et de porter des projets avec des partenaires locaux actifs et ancrés sur les territoires depuis un certain nombre d’années. Cela leur permet d’avoir une connaissance fine des enjeux et des besoins, et de travailler ensemble dans une logique de complémentarité. Et donc, pour prendre l’exemple du projet Passerelles Paysannes, c’est vraiment ce qu’il s’est passé. Nous travaillons avec des acteurs que SOL a rencontrés dans le cadre des RIA, que l’association organise depuis 2017. Ces rencontres ont permis de partager des constats, des besoins sur les actions à mener pour améliorer les conditions d’installation des nouveaux paysans et paysannes en France, notamment des personnes qui ne sont pas issues du monde agricole. 258942160_218576480417081_3888699833367344743_n

De fil en aiguille, en partageant nos expériences, et aussi une certaine complémentarité entre nos domaines d’expertise, il y a eu cette volonté de porter ensemble le projet Passerelles paysannes, donc c’est un projet qui a été vraiment, dès le début été développé en partenariat avec les organisations pré-citées. Aujourd’hui, c’est SOL qui anime le projet et qui assure son suivi au quotidien. Je suis en contact très régulier avec chacun des partenaires du projet, et on essaye de se réunir tous ensemble au moins une fois tous les 2 mois ou plus quand on peut, pour échanger sur les avancées et réfléchir ensemble à la stratégie pour mener à bien les objectifs qu’on s’est fixés ensemble.

 

SOL – Pourriez-vous nous décrire en quoi consiste concrètement le travail de chargée de projet au sein de notre association ?

Emeline : Les missions de « chargée de projet » sont très variées ! Toute une partie concerne évidemment le suivi d’activités des projets, grâce aux liens que nous tissons avec nos partenaires sur le terrain qui portent les projets. Ce suivi d’activités s’accompagnent d’un suivi financier régulier ainsi que de la mission de recherche de financement qui implique également un côté administratif et humain en lien avec les financeurs. Emeline

J’ai eu la chance d’aller souvent sur terrain lorsque je travaillais chez SOL, et ce pour diverses raisons : rencontrer des paysans et des paysannes, partir à la recherche de nouvelles fermes pour le réseau de fermes formatrices dans le cadre du projet Biofermes France, ou encore aller dans le Sud-Est pour suivre les activités du collectif de la Maison des Semences Paysannes Maralpines. En parallèle, j’ai pu travailler sur d’intéressants projets multi-acteurs et multi-partenariaux, ce qui impliquait beaucoup de temps de réunion avec les partenaires terrain et aussi les partenaires de nos projets commun en lancement ainsi qu’un certain travail de mise en réseaux. Par exemple, animer le réseau des stagiaires de la fermes Sainte Marthe en Sologne, les fermes formatrices et tout ce réseau d’acteurs impliqués sur les questions de l’installation et de la transmission paysannes. Il y avait beaucoup d’autonomie dans mes missions et aussi beaucoup de liens et d’échanges humains au travers de tous les projets collectifs que j’ai pu suivre.

 

SOL – Auriez-vous une anecdote particulière à nous partager sur les projets que vous avez suivi ou que vous suivez ?

IMG_20191123_112702Emeline : Je me rappelle en particulier de novembre 2019 en Inde, lors des Échanges Paysans, qui symbolisaient la rencontre entre les partenaires des projets Biofermes France, Sénégal et Inde. La richesse des échanges qu’il y a pu avoir pendant ce voyage entre les partenaires et paysans français, indiens et sénégalais m’a marquée. Je ne me souviens plus exactement de toutes nos discussions mais par exemple, lors d’un échange sur les semis, nous nous sommes rendus compte que les paysans de France, d’Inde et Sénégal faisaient tous leurs semis le mercredi et les récoltes le vendredi ! Ce moment-là était assez fort à vivre ! D’ailleurs, cette anecdote a été reprise dans la BD issue de ce projet : « Toutes Paysannes, Tous Paysans« .

Salomé : Je suis arrivée chez SOL en plein milieu de la 4ème vague de covid-19, donc très récemment. Avec cette situation, je n’ai malheureusement pas encore eu beaucoup l’occasion de rencontrer de nombreux acteurs. Mais je trouve que cette capacité qu’a l’association à travailler de concert avec les acteurs et à créer un lien fort malgré la distance est formidable.

 

SOL – Quelles expériences vous ont particulièrement marquées ?

Emeline : Sur mes 2 ans, j’ai eu la chance de vivre beaucoup d’expériences très fortes et très intéressantes. Celle que je retiendrai je pense, c’est le co-pilotage de la campagne Tablons sur nos paysans en février 2019. Ça a été une expérience très riche d’apprentissages, qui sortait un peu de mon domaine de compétences – du champ et de l’agro -. Voir comment on monte une campagne de sensibilisation et de mobilisation en partant de zéro, je trouvais ça vraiment génial. J’ai appris énormément de choses sur le secteur d’activités : sur comment une vidéo se crée, se monte, la création et le montage d’un stand pour le Salon International de l’Agriculture et l’animation de ce stand stand pendant les 10 jours de salon. C’était vraiment très fort, très riche de nouveautés et d’apprentissages donc ça c’était vraiment super.

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Après, je sais que les premières rencontres de la Maison des Semences Paysannes Maralpines en septembre 2018 ont été assez fortes aussi pour moi. Voir la ferveur qu’il y avait et ce collectif fort qui existait déjà, rassemblé autour des semences : c’était assez chouette.

Et pour finir, ce que j’ai également trouvé très marquant au sein de mon expérience « SOL », les réflexions sur l’évolution des différents projets, sur la mise en place de nouveaux projets multi-partenariaux. Je fais référence ici à la phase 2 de Biofermes et le projet Passerelles Paysannes, c’était super intéressant pour moi d’avoir pu participer à ce petit bout de chemin de projet.

Salomé : De mon côté, je ne vais pas être très originale, mais je dirais que le projet que je porte me tient à cœur et après, c’est aussi celui que, par la force des choses, je connais le mieux au sein de l’association. Mon parcours a été de rejoindre SOL en stage pour mener un axe spécifique du projet, et puis il y a eu cette ouverture de poste pour que je reste sur le suivi du projet en général. J’étais arrivée depuis quelques semaines et j’avais déjà cette envie forte de contribuer à la réalisation des objectifs du projet dans son ensemble parce que la question de l’installation c’est aujourd’hui une question qui est très peu visible, dont on n’a pas forcément conscience, même quand on s’intéresse aux questions agricoles. On ne se rend pas forcément compte que l’installation de nouveaux paysans, dans un contexte où la population agricole vieillie, et où il faut absolument revoir nos modes de production, est une énorme chance. On ne se rend pas compte à quel point cela peut être compliqué aujourd’hui de créer une ferme, ni à quel point l’installation d’un paysan peut avoir des impacts à plein de niveaux. Il est essentiel d’encourager et de faciliter l’installation et le renouvellement des générations agricoles, donc c’est pour ça que le projet Passerelle paysannes, me semble très important à mener. Et on a la chance d’être alliés avec des réseaux qui sont très engagés sur ces questions en France, et donc on peut espérer avoir un impact important sur ces questions-là à l’échelle nationale.

Biofermes France

SOL – L’association a désormais plus de 40 ans d’existence, pourriez-vous nous donner vos impressions sur l’évolution de l’association ?

Emeline : SOL a su se développer, grandir, et diversifier ses activités, ses champs d’actions, tout en gardant son identité forte, tournée vers une agroécologie paysanne en modèle de société dans un monde où la justice, la résilience et l’autonomie sont accessibles et promues pour toutes et tous.

Salomé : Je trouve que c’est assez fort de se dire que ça fait 40 ans que l’association existe ! Au cours de ces 40 années, il y a eu plein de personnes qui se sont passé le relai pour faire vivre cette association, tout en gardant toujours les mêmes valeurs défendues depuis le début. Par ailleurs, je suis aussi très impressionnée de voir comment l’association parvient, malgré l’évolution du contexte, une multiplication et aggravation des enjeux, à être active, à identifier, innover, imaginer des solutions durables pour les bénéficiaires des projets qu’elle porte. Et ce tout en montrant, par l’exemple, que d’autres manières de faire sont possibles ! Le dynamisme de l’association en général est assez impressionnant, comme sa longévité, et le fait d’avoir réussi à préserver cette dimension d’association à taille humaine mais qui a quand même un impact énorme sur les sujets qu’elle défend à travers les actions qu’elle porte.

 

SOL – Parmi les valeurs portées depuis plus de 40 ans par l’association, lesquelles vous tiennent particulièrement à cœur ?

Emeline : L’autonomie paysanne que défend SOL est une valeur qui me tient particulièrement à cœur car elle implique universellement le lien entre les générations passées, présentes et futures. L’autonomie paysanne, peu importe où on se place, et à n’importe quelle époque, implique des échanges de pratiques et de savoir-faire. L’autonomie est permise par la transmission de connaissances et de techniques. Cela me touche beaucoup car ce concept met en évidence ces liens humains qui existent et doivent exister, tout en permettant de vivre dans un monde plus juste et résilient face à tout ce qui nous arrive et tout ce qui nous attend. Je relie l’autonomie paysanne au collectif et au lien qu’on doit avoir dans le partage. C’est ça qui garantira une autonomie paysanne partout et un monde plus juste.

Salomé : Je dirais que l’angle d’approche de l’association sur l’autonomie me touche également beaucoup parce que je trouve que la quête vers l’autonomie, et la possibilité pour des populations d’être autonomes, c’est un pouvoir énorme. Il est essentiel à l’échelle individuelle, pour chaque paysan ou chaque citoyen qui sera touché par les actions mises en place par SOL dans cet objectif, mais aussi collectivement. Pour moi l’autonomie et l’autonomisation sont la solution à beaucoup de problèmes qu’on a aujourd’hui, notamment sur les questions agricoles et climatiques. Bien sûr je rejoins toutes les valeurs et l’idée de promouvoir l’agroécologie paysanne, mais en fait l’autonomie, pour moi, rassemble tout.

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SOL – Merci beaucoup à toutes les deux. Souhaitez-vous ajouter quelque chose pour conclure ?

Emeline : J’aimerais ajouter que j’ai vraiment vécu deux années très riches et très intenses au sein de l’association. J’en garde un très joli souvenir, à la fois des activités menées par l’association, et des personnes que j’ai pu rencontrer au cours des projets, que ce soit les partenaires, ou les membres de l’équipe !

Salomé : Merci pour cet entretien et merci à SOL ! C’est vraiment chouette de se lever le matin et d’aller bosser dans un cadre si stimulant, si sympathique, et aussi sur des sujets qui personnellement me tiennent beaucoup à cœur, c’est une grande chance et une richesse.

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Pour aller plus loin : 

  • Apprenez-en plus sur nos actions pour favoriser l’installation paysanne avec le projet Passerelles Paysannes en cliquant ici
  • Découvrez les enjeux derrière la transmission des savoirs et savoir-faire paysans ici
  • Et explorez les défis de l’autonomie paysanne ici